L'exemple du naufragé

Revenons aux mésaventures de notre naufragé introduites à la section 4.7. Finalement, ne sachant comment atteindre le rivage, il se résout à évaluer la distance le séparant du rivage toutes les heures. Il dispose ainsi de $i$ mesures de la distance du canot au rivage ($v^o_i$) entre l'instant de son naufrage $t_0$ et la dernière mesure au temps $t_i$. Cette évaluation est supposée sans biais et sa variance, notée comme précédemment $s^o$, est supposée stationnaire. Les coordonnées réelles du canot sont $(u_i,v_i)$, tandis que celle issues de l'analyse $(u_i^a,v_i^a)$ et celles de la prévision $(u_i^f,v_i^f)$. A l'instant du naufrage ($t_0$), la position du canot est $(u_0^a,v_0^a)=(0,0)$. Entre deux mesures aux instants $t_i$ et $t_{i+1}$, le canot dérive mais sa direction n'est pas connue. Le naufragé imagine donc un modèle d'évolution comme un modèle de diffusion autour de son point d'origine. Il peut donc écrire le modèle (linéaire en l'occurrence) tel que ${\mathbf M}_{i \to i+1}={\mathbf I}$) et l'erreur modèle, qu'il suppose importante, telle que

\begin{displaymath}
{\mathbf Q}_i=\left( \begin{array}{cc} s^m & 0 \ 0 & s^m \end{array} \right),\nonumber
\end{displaymath}

$s^m$ est proportionnel au temps écoulé entre $t_{k+1}$ et $t_0$.

Le naufragé fait ensuite la supposition qu'il n'y a aucune corrélation entre les deux coordonnées de la position du canot de sauvetage. Il écrit alors les matrices de covariances d'erreur d'analyse et de prévision sous la forme :

\begin{displaymath}
{\mathbf P}^a_i=\left( \begin{array}{cc} \lambda_i & 0 \ 0 ...
...{cc} \nu_i & 0 \ 0 & \rho_i \end{array}, \right).\nonumber\\
\end{displaymath}

Analyse

En raisonnant à partir de l'instant $t_i$, le naufragé dispose du vecteur résultant de sa dernière analyse $(u_i^f,v_i^f)^T$. Il effectue alors une nouvelle mesure $v_i^o$ et effectue une analyse optimale en utilisant le gain de Kalman (Eq. 5.3) :

$\displaystyle {\mathbf K}^*_i$ $\textstyle =$ $\displaystyle \left( \begin{array}{cc} \nu_i & 0 \  0 & \rho_i \end{array} \ri...
...array} \right)
\left( \begin{array}{c} 0 \  1 \end{array} \right)
\right)^{-1}$  
  $\textstyle =$ $\displaystyle \frac{\rho_i}{s^o+\rho_i}
\left( \begin{array}{c} 0 \  1 \end{array} \right)
.$  

Il peut alors en déduire les coordonnées de la position du canot (Eq. 5.4)
$\displaystyle \left( \begin{array}{c} u_i^a \  v_i^a \end{array} \right)$ $\textstyle =$ $\displaystyle \left( \begin{array}{c} u_i^f \  v_i^f \end{array} \right)
+{\ma...
...(0,1\right)
\left( \begin{array}{c} u_i^f \  v_i^f \end{array} \right)
\right)$  
  $\textstyle =$ $\displaystyle \left( \begin{array}{c} u_i^f \  v_i^f \end{array} \right)
+{\mathbf K}^*_i\left(v_i^o-v_i^f\right)$  
  $\textstyle =$ $\displaystyle \left( \begin{array}{c} u_i^f \  v_i^f+\frac{\rho_i}{s^o+\rho_i}\left(v_i^o-v_i^f\right) \end{array} \right),$  

et la matrice de covariance d'erreur d'analyse (Eq. 5.5)
$\displaystyle \left( \begin{array}{cc} \lambda_i & 0 \  0 & \mu_i \end{array} \right)$ $\textstyle =$ $\displaystyle \left(
\left( \begin{array}{cc} 1 & 0 \  0 & 1 \end{array} \righ...
...t)\right)
\left( \begin{array}{cc} \nu_i & 0 \  0 & \rho_i \end{array} \right)$ (5.13)
  $\textstyle =$ $\displaystyle \left( \begin{array}{cc} \nu_i & 0 \  0 & \frac{s^o \rho_i}{s^o+\rho_i} \end{array} \right).$  

Il en déduit alors que

\begin{displaymath}
\lambda_i=\nu_i
\quad \textrm{et} \quad
\frac{1}{\mu_i}=\frac{1}{s^o}+\frac{1}{\rho_i}. \nonumber
\end{displaymath}

Prévision

Le naufragé passe maintenant à l'étape de prévision du filtre de Kalman et applique son modèle d'évolution ${\mathbf I}$ (Eq. 5.6) pour estimer sa prochaine position

\begin{displaymath}
\left( \begin{array}{c} u^f_{i+1} \ v^f_{i+1} \end{array} \...
...gin{array}{c} u^a_{i} \ v^a_{i} \end{array} \right).\nonumber
\end{displaymath}

Ensuite, il calcule sa prochaine matrice de covariance d'erreur de prévision (Eq. 5.7) facilement et trouve que ${\mathbf P}^f_{i+1}={\mathbf P}^a_i+s^m{\mathbf I}$, ce qu'il écrit aussi sous la forme

\begin{displaymath}
\nu_{i+1}=\lambda_i+s^m
\quad \textrm{et} \quad
\rho_{i+1}=\mu_i+s^m.\nonumber
\end{displaymath}

Il résulte alors de la succession de l'analyse et de la prévision que

\begin{displaymath}
\left\{ \begin{array}{l}
u^f_{i+1} = u^f_i, \nonumber \\
v^...
...+\rho_i}\left(v^o_i-v^f_i\right),\nonumber
\end{array} \right.
\end{displaymath}

et

\begin{displaymath}
\left\{ \begin{array}{l}
\nu_{i+1} = \nu_i + s^m, \nonumber ...
...= \frac{1}{s^o}+\frac{1}{\rho_i}.\nonumber
\end{array} \right.
\end{displaymath}

Comme le naufragé sait que $u_0^f=0$, il en déduit que $u_k^f=0$. Sans mesure, il n'apprend rien sur sa position le long de la côte. Cependant, l'incertitude croît linéairement avec le temps puisque $\nu_k=k s^m$.

De l'incertitude sur la coordonnée $v$, le naufragé en déduit que, dans un premier temps, la confiance sur l'analyse est la somme de la confiance sur l'observation et sur la prévision, et, dans un second temps, que l'erreur de la prévision est la somme de l'erreur modèle et d'analyse. C'est donc le résultat d'un compromis entre la réduction de l'incertitude par l'assimilation et son accroissement due à la dérive non contrôlée de l'embarcation.

Nicolas Daget 2007-11-16